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Rifraf
Notre aventure commence en la ville sainte de Laelith, au printemps de la seconde année du règne de Nin Premier. Il n’est pas question pour cette fois de preux chevalier, ou de magicien à longue barbe, ni même d’équipe d’aventuriers. Non, non, nous avons ici à faire à un simple garçon des rues accompagné de son chien.
Rifraf a connu Laelith depuis toujours. Il y est né de parents inconnus sous le règne de Teaphanerys le long, il y a de cela seize années maintenant. Des prêtres du temple du poisson d’argent l’ont trouvé emmitouflé dans un linge déposé anonymement aux jardins du temple dont l’orphelinat est ainsi régulièrement mis à contribution pour prendre en charge les enfants abandonnés de la cité.
Il va s’en dire que l’éducation reçue y est sommaire (exceptée pour les rares enfants qui, montrant des prédispositions intellectuelles hors normes, sont formés au rôle de clerc). Rifraf ne sait donc certes ni lire ni écrire, mais il sait un peu compter, et connaît assez bien Laelith pour pouvoir y survivre de lui-même maintenant qu’il est trop âgé pour bénéficier de la protection de l’orphelinat.
Ces années passées à observer la ville lui auront appris qu’il est risqué de rester seul si l’on est pas fort et armé. C’est pourquoi il a décidé d’être accompagné de Kerberos, un chien errant rencontré un jour sur le port, avec lequel il avait partagé un beau morceau de lard, perdant ainsi sa seule richesse, mais gagnant à la place un ami fidèle.
Les jardins du dénuement.
Rifraf n’a pas les moyens de s’offrir une colocation, ni même un place régulière au dortoir des Paillasses (le plus abordable qu’il connaisse). C’est bien simple, il ne possède rien. Alors il a décidé de s’installer là où vont tous les indigents de la ville: aux jardins du dénuement. Il s’agit d’une longue bande de verdure sous les bâtiments du Lazaret où diverses petites communautés habitent, qui sous tente, qui dans des cabanons fait de brics et de brocs.
On y trouve bien sur l’habituelle faune inquiétante qui donne à la pauvreté sa mauvaise réputation: toxicomanes, prostituées, voleurs à la tire et autres petites frappes, mais aussi d’honnêtes citoyens qui n’ont pour seul défaut de ne pas avoir de quoi se payer un logement décent: mendiants, égoutiers, marchands en faillite…
Babu le Sage
L’un d’entre eux vit même dans la pauvreté par choix. Non seulement il ne l’a subit pas, mais en plus, il l’enseigne comme style de vie. C’est un vieux monsieur qu’on nomme Babu le Sage. Il passe ses journées aux jardins, à méditer, à enseigner à ses élèves ses aphorismes, mais aussi sa discipline de vie et ses techniques de combat. Car l’enseignement de Babu le Sage n’est pas uniquement abstrait, il comporte une très grande part de pratique physique, une gymnastique rigoureuse, quotidienne où se mélangent des postures et des mouvements chorégraphiques individuels avec des séances de combat à main nue ou avec des armes rudimentaires (où les coups ne sont évidemment pas porté à leur pleine puissance).
Babu le Sage le répète souvent: “Je rends grâce aux dieux de pouvoir enseigner l’art de la guerre au milieu d’un jardin, plutôt que l’art du jardinage au milieu d’un champ de bataille”.
Il a une douzaine d’élèves qui chaque matin se relaient pour aller mendier à la chaussée du lac, puis reviennent au campement avec assez de nourriture pour la journée. Un des enseignements de Babu le Sage est “écoute ton coeur”. Pour améliorer cette compétence, ses élèves ont pour consigne, lors de leur tournée sur le port, de détecter ceux qui, dans la foule, seraient en situation de danger. Laelith est une ville où plus d’un visiteur charmé par la beauté de l’architecture et l’atmosphère ambiante oublie les règles élémentaires de prudence et devient la proie des prédateurs qui eux aussi la fréquentent.
C’est ainsi qu’au matin de Celestia, le 12 du mois de Lestes semailles, Rifraf et Kerberos se retrouvent à la chaussée du Lac, en compagnie de Shin Lao, un des élève de Babu le sage, comme ils le font de temps en temps pour le remercier de les inviter si souvent à partager le repas avec sa communauté.